‘Il n’existe absolument aucun secret bancaire en Belgique’

© Reuters
Bart Vereecke Rédacteur MoneyTalk et Trends

Régulièrement, MoneyTalk pose trois questions sur l’actualité à un spécialiste. Anton van Zantbeek, avocat chez Rivus et professeur à la faculté d’économie et de sciences de gestion de la KU Leuven, donne son avis sur les recommandations de la commission parlementaire Panama Papers et sur la limitation du secret bancaire.

La Commission parlementaire Panama Papers a la volonté de rendre le Point de contact central (PCC), qui contient tous les numéros de compte et contrats que les Belges ont auprès des institutions financières, plus accessible et d’en améliorer la mise à jour des données. En outre, elle veut également combiner le PCC avec le registre des bénéficiaires effectifs (ou Ultimate Beneficial Owner ou registre UBO) imposé par l’Union européenne. De quoi s’agit-il et quel est l’avancement de la Belgique en cette matière ?

ANTON VAN ZANTBEEK: Le registre UBO contiendra tous les noms des bénéficiaires effectifs d’entités juridiques comme les sociétés. Il s’agit de toutes les personnes physiques qui possèdent une participation supérieure à 25% dans une société. La rédaction du registre s’inscrit dans le cadre de la quatrième directive européenne anti-blanchiment, mais elle fait l’objet de débats un peu partout en Europe.

La critique principale concerne la vie privée: qui aura accès aux données du registre ? Certains estiment que le registre doit être accessible à un large groupe d’intéressés, parmi lesquels on trouve par exemple les journalistes d’investigation. D’autres veulent en limiter l’accès et n’utiliser le registre que pour la lutte contre le blanchiment.

Pour la mise en place de la directive, la Belgique a encore pas mal de chemin à parcourir. En principe, l’échéance était le 26 juin 2017, mais pour l’instant, cela en reste aux textes. On ne peut pourtant pas vraiment reprocher au ministre des Finances Johan Van Overtveldt de négliger la question. Notre pays se trouve plus loin que beaucoup d’autres États membres européens. La rédaction d’un tel registre représente en outre un vrai travail de titan sur le plan logistique.

La commission parlementaire a été créée après la parution des Panama Papers, dont elle a également hérité du nom, mais les recommandations qu’elle fait ne sont pas toutes réellement axées sur le contrôle des territoires offshore.

Les recommandations pour le PCC et le registre UBO sont en effet peu pertinentes pour la fraude via des structures offshore. D’autre part, énormément de choses ont été faites ces cinq dernières années pour rendre les fortunes plus transparentes partout dans le monde via l’échange des données entre les pays. L’arsenal des moyens est désormais franchement impressionnant. Si la Belgique investit suffisamment dans la formation des fonctionnaires et leur fournit les outils informatiques nécessaires, le problème offshore pourra être abordé rigoureusement.

Ce qui importe maintenant, c’est la transposition des directives dans une bonne législation, qui sera ensuite d’application sur le terrain

Un compte luxembourgeois enregistré au nom d’une société offshore panaméenne mais qui appartient à un Belge ne se trouvera certes pas dans le PCC belge, mais à partir de cette année, le fisc disposera néanmoins spontanément des informations. Les données seront directement au nom du Belge qui se cache derrière la structure. Cela s’effectuera en vertu du CRS (Common Reporting Standard) de l’OCDE. Sur base de ces informations, on pourra ensuite effectuer des contrôles de manière efficace.

Ce qui importe maintenant, c’est la transposition des directives dans une bonne législation, qui sera ensuite à appliquer sur le terrain. Cela ne doit pas seulement se faire au niveau du fisc, mais aussi du côté des comptables, des institutions financières comme les banques et les bureaux d’assurance, etc.

En plus de cela, les Finances doivent miser pleinement sur la poursuite de la numérisation, notamment du contrôle fiscal. Les recommandations de la Commission parlementaire pour rendre le PCC accessible, actualiser les données plus rapidement et relier les bases de données entre elles s’inscrivent dans cette perspective.

Quand des mesures sont prises pour augmenter la transparence dans le secteur financier, les concepts comme ‘secret bancaire’ et ‘cadastre patrimonial’ ne sont jamais bien loin. Dernièrement, vous avez plaidé pour un prélèvement anonyme de la taxe sur les titres, de telle sorte que celle-ci ne soit pas considérée comme un tremplin vers le cadastre patrimonial. Qu’avons-nous en réalité à perdre, avec une limitation du secret bancaire ?

Tout d’abord, il n’y a absolument aucun secret bancaire dans notre pays: un banquier n’est pas punissable s’il parle des avoirs de ses clients.

Il existe cependant un certain nombre de restrictions pour le service de contrôle fiscal, par lesquelles n’importe quel détail sur les moyens financiers de n’importe quel citoyen n’est pas disponible à n’importe quel moment. Si une personne est vraiment soupçonnée de fraude fiscale et refuse de collaborer à l’enquête, le fisc dispose effectivement des moyens, notamment via le PCC, de mener une véritable enquête sur le patrimoine de cette personne.

Un système fiscal efficient tient compte du caractère national

Il est facile de détecter si un certain degré d’anonymat fiscal est utile pour une société : il faut tenir compte des spécificités et des sentiments du contribuable. Aux États-Unis, les gens n’ont pas de problème à parler de leur salaire et de leurs avoirs. Il y règne beaucoup moins de jalousies concernant ces thèmes. En Belgique, les gens ont du mal sur le plan du partage d’informations sur leur patrimoine et à accepter l’existence de personnes très riches et très pauvres.

J’admets que cela ne paraît pas scientifique, mais le caractère national est un facteur très pertinent, dont un système fiscal efficient doit tenir compte.

C’est la raison pour laquelle je plaide pour un prélèvement anonyme de la taxe sur les titres. L’objectif d’un impôt est de rapporter le plus possible. Les Belges qui seront par exemple obligés de déclarer la valeur des titres qui se trouvent sur leur compte-titres tenteront d’y échapper par tous les moyens. Dans le pire des cas, ils vont frauder, mais dans les autres cas, ils investiront leur argent autrement. Dans les deux cas, l’impôt rapportera moins que prévu et il passera à côté de son objectif. Si l’on doit payer les 0,15% de taxe sur les titres de manière anonyme, je ne pense pas que beaucoup de Belges essaieront d’éviter l’impôt.

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