Ackermans & Van Haaren, le Warren Buffett flamand

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Premier épisode de notre nouvelle série consacrée aux holdings belges, avec pour commencer la société d’investissement anversoise Ackermans & van Haaren, qu’un analyste compare à celle de Warren Buffett.

Les holdings, ou sociétés de portefeuille, sont des entreprises qui investissent dans d’autres entreprises. Si les holdings constituent le choix le plus pertinent pour l’investisseur débutant, l’investisseur expérimenté apprécie, lui aussi, l’opportunité qu’ils offrent de répartir les risques et d’investir, en outre, dans des entreprises non cotées. Avec une capitalisation boursière de 5,6 milliards d’euros, Ackermans & van Haaren est le deuxième holding belge, après GBL.

Ackermans & van Haaren est un véritable coureur de fond qui peut se prévaloir d’une croissance stable et constante. Depuis son introduction en Bourse en 1984, ses fonds propres se sont étoffés de 12,8 % chaque année. De 13,6 %, même, si l’on tient compte des dividendes. La tendance s’est encore confirmée en 2017 (croissance d’un peu moins de 10 %). ” Pour moi, Ackermans & van Haaren est le pendant flamand du holding de Warren Buffett, admire Rudy De Groodt, analyste chez BNP Paribas Fortis. La société a réellement su créer de la valeur sur la durée. Elle a la particularité d’être actionnaire de contrôle de nombre des entreprises dans lesquelles elle détient une participation. ”

” Grâce à sa capacité à se concentrer et à se diversifier tout à la fois, Ackermans & van Haaren est de retour sur le devant de la scène “, se réjouit Jan Suykens, le numéro 1 de la société de portefeuille, à l’occasion de la présentation des résultats annuels. A 302 millions d’euros, soit 35 % de plus qu’en 2016 et au-delà des pronostics de la direction, le groupe achève l’exercice 2017 juste sous son bénéfice record. D’un montant de 277 millions d’euros, soit 7 % de plus qu’en 2016, la contribution des participations stratégiques d’Ackermans au bénéfice a, elle, bel et bien atteint un sommet. ” Ce qui fait de 2017 le meilleur exercice qui soit “, apprécie Rudy De Groodt.

CFE et DEME Deux sociétés du holding flamand, l'une spécialisée dans le
CFE et DEME Deux sociétés du holding flamand, l’une spécialisée dans le “contracting” et l’autre dans les travaux hydrauliques.© PG

Quatre secteurs stratégiques

Le holding familial est actif dans quatre secteurs : la construction et le dragage, la banque privée, l’immobilier et les maisons de repos, et enfin l’huile de palme et les matières premières. Il dispose en outre d’un petit portefeuille investi en capital d’expansion.

Les pôles construction et banque privée sont les principaux contributeurs au bénéfice du groupe (il y a quelques années encore, ils assuraient 80 % de ce poste). La diversification a permis à l’immobilier et aux matières premières de gagner peu à peu en importance, jusqu’à compter pour 26 % du bénéfice en 2017. ” Nous avons multiplié les sources de gains récurrents “, se félicite Jan Suykens.

Le choix de l’offshore

Le groupe a toujours majoritairement investi dans la construction et le dragage. Avec une participation de 60,4 %, il est le principal actionnaire de l’entreprise de construction CFE, elle-même société mère de DEME.

Lorsque Ackermans & van Haaren a investi dans CFE, en 2013, sa division construction se portait mal. En 2015, l’activité lui a fait perdre 13 millions d’euros encore… avant que le bénéfice atteigne, en 2017, 17 millions d’euros. ” CFE a réussi à faire évoluer les marges, apprécie Rudy De Groodt. La division construction et dragage dispose en outre d’un appréciable carnet de commandes. ” Celui-ci s’élève actuellement à 1,2 milliard d’euros.

DEME, la filiale de dragage, fait état d’un carnet de commandes de 3,5 milliards d’euros, dont la moitié se situe dans le domaine de l’aménagement de parcs éoliens offshore. Pour Rudy De Groodt, les investissements actuellement consentis au profit de la flotte de DEME ne manqueront pas d’être rentables : ” L’entreprise dispose d’une expertise considérable dans ce domaine. Elle est bien placée pour s’étendre géographiquement et pour jouer un rôle dans les nouvelles applications, comme les parcs éoliens flottants “.

Jan Suykens évoque encore un investissement dans ce qui pourrait bien égaler la réussite de DEME au large des côtes : l’exploitation de minerais en eaux profondes. ” Cela ressemble à de la science-fiction, admet-il, mais nous investissons d’ores et déjà dans la technologie qui permettra d’aller racler les minerais à plus de 3.000 m de profondeur. Compte tenu de l’importance croissante que revêt le stockage d’énergie, l’avenir de cette activité est assuré. Songez aux investissements d’Umicore. ”

Banques : le duo gagnant

Les activités de banque privée d’Ackermans & van Haaren remontent aux années 1990. C’est en 1992 que la banque anversoise Delen a fait son entrée dans le groupe, où l’ont suivie en 1998 la Banque J. Van Breda et en 2011, la britannique JM Finn. La branche bancaire illustre bien la croissance constante du holding. ” Lorsque nous avons commencé, en 1992, nous gérions pour 500 millions d’euros d’actifs. L’an passé, nous en étions à 48 milliards. Il faut y voir, une fois encore, le résultat de la concentration. L’afflux de 2 à 3 milliards par an va se maintenir “, prédit Jan Suykens.

La Banque J. Van Breda et la Banque Delen forment un duo résolument gagnant. Ackermans détient une participation de 79 % dans l’une et l’autre. Van Breda a une clientèle de titulaires de professions libérales – des dentistes débutants qui ont besoin de crédits pour s’installer, par exemple. Lorsque, à un stade ultérieur de leur carrière, ces praticiens commencent à se constituer un patrimoine, les services de banque privée de Delen apparaissent comme une évidence : 40 % des clients de Delen viennent de chez Van Breda.

Ackermans & Van Haaren, le Warren Buffett flamand

Immobilier et maisons de repos

La troisième branche, celle de l’immobilier et des maisons de repos, concourt de plus en plus au bénéfice d’Ackermans – de 36 millions d’euros en 2015, sa contribution est passée à 54 millions l’an dernier. La plus grande entreprise est le promoteur immobilier belge Extensa, détenue à 100 %. Les principaux projets d’Extensa sont le site de Tour & Taxis, à Bruxelles, et celui de la Cloche d’Or (bureaux et logements), au Luxembourg.

Ackermans détient par ailleurs une participation de 30 % dans Leasinvest, société immobilière réglementée (SIR) spécialisée dans la logistique commerciale et l’immobilier de bureaux. Avec un taux d’endettement de 57 %, Leasinvest est relativement proche du plafond de 65 % ; elle ne pourra pas continuer de croître sans procéder à une augmentation de capital.

Il faut aussi compter des participations dans des maisons de repos (92 % dans le belge Anima Care et 72 % dans le français HPA), avec 10 millions d’euros de contribution au bénéfice. Pas énorme, mais Jan Suykens n’en est pas moins enthousiaste : ” Ça, c’est Ackermans & van Haaren à l’oeuvre ! Les maisons de repos assurent une contribution sans cesse croissante. Nous sommes actuellement à 4.600 lits. Nous en gérerons plus de 5.000 d’ici cinq ans “.

Expansion dans l’huile de palme

Dans le pôle matières premières, Sipef, un producteur d’huile de palme coté en Bourse, est la principale participation. Entré dans le capital en 1997, le holding en détient désormais 30 %. Sipef s’inscrit parfaitement dans la stratégie de croissance durable du groupe. En 2005, elle gérait pour 33.000 ha de plantations, superficie passée au gré des reprises de 55.000 à 71.000 ha en 2017. Sipef estime à 84.000 ha la superficie qui sera atteinte en 2022. Cette croissance contribue au bénéfice d’Ackermans à concurrence de 7 millions d’euros en 2015 et de 18 millions l’an dernier.

Jan Suykens insiste sur la contribution croissante de l’immobilier, des maisons de repos et des matières premières : ” Ces activités donnent un coup d’accélérateur à la croissance. Celle-ci reposait auparavant sur deux piliers. Aujourd’hui, c’est sur quatre “. L’homme n’exclut pas l’idée d’étendre le portefeuille existant, ou de procéder à des reprises : avec une trésorerie de 80 millions d’euros, le holding a de quoi voir venir.

Par Jef Poortmans.

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