La Chine plie sous le poids de ses dettes

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L’agence Moody’s a adressé le premier avertissement à la Chine en dégradant sa note souveraine d’un cran, une première depuis 1989. La deuxième économie mondiale est désormais au pied du mur, devant choisir entre la croissance et ou risquer la survie de son système économique et financier.

En abaissant sa note de la Chine de Aa3 à A1, l’agence Moody’s rappelle aux marchés l’incertitude pesant toujours sur la Chine. La deuxième économie s’est développée rapidement et probablement trop rapidement depuis 2008. Le poids des dettes totales est ainsi passé de 160% à 260% du Produit intérieure brut (PIB) entre 2008 et 2016. En tenant compte de la croissance du PIB, les dettes de la Chine ont même quasiment quadruplé en 8 ans sous l’effet notamment de plans de relance et des dépenses des pouvoirs locaux. Le tout sans tenir compte d’un secteur financier de l’ombre pesant désormais de l’ordre de 4000 milliards de dollars.

Des dettes d’amis

Beijing a toutefois pris des mesures pour freiner l’envolée de la bulle du crédit notamment en relevant légèrement les taux, en refroidissant un secteur immobilier en pleine surchauffe ou en tentant de reprendre le contrôle de la finance de l’ombre. Moody’s souligne d’ailleurs que la note actuelle de A1 -5e meilleure note sur 21 – est pleinement justifiée, et bien supérieure à ce qui prévalait en 1989 (Baa2, soit un emprunteur moyen). Les analystes soulignent également que les dettes détenues par des étrangers ne pèsent que 12% du PIB. Une importante partie des dettes de la Chine est en fait détenue par des organismes (entreprises, etc.) publics ou parapublics.

Une économie accrocs aux bulles

Reste l’équation soulevée par l’agence Moody’s : comment dégonfler (au minimum arrêter de gonfler) la bulle du crédit sans plomber la croissance ? Christopher Balding, Professeur à la HSBC Business School de Shenzhen, épinglait ainsi pour Bloomberg que les conséquences sont déjà lourdes pour l’économie après à peine quelques mois de lutte contre l’abus de dettes. Les prix de l’ensemble des actifs se sont orientés à la baisse : actions, obligations, matières premières, immobilier. La part des entreprises sidérurgiques de l’importante province d’Hebei déclarant être rentable est passée de 85% en mars à 66% alors que le prix du fer à béton n’a reculé que de 8% depuis son récent sommet. Par rapport à décembre 2015, le cours affiche toujours une progression de 91%.

Une crise majeure

Une poursuite des mesures visant à réduire le recours aux dettes ne pourrait qu’aggraver le recul des prix. Corollaire, les faillites devraient s’accumuler, notamment parmi les entreprises publiques dont la rentabilité est moitié moindre que les privées. Le resserrement du crédit ferait également basculer de nombreuses sociétés “zombies” alors que la proportion d’émissions d’obligations destinées au remboursement de dettes échues n’a jamais été aussi importante. Le secteur bancaire souffrirait évidemment d’une succession d’impayés. Pour Michael Schuman, journaliste économique installé à Beijing, la situation est comparable à ce qu’a connu la Corée du Sud dans les années 90, ce qui lui avait alors coûté une contraction de 30% de son PIB.

Une volonté de façade ?

Les problèmes n’apparaissent toutefois pas (encore) aussi aigus en Chine. Cette dernière dispose notamment de davantage d’indépendance (dettes essentiellement internes) et de 3000 milliards de dollars de réserves de change. Pour limiter la casse, l’ex Empire du Milieu doit toutefois accélérer sa transformation et ses réformes selon Moody’s. Compliqué dans un pays où État et économie demeurent intimement liés, le secteur public pesant de l’ordre de 20 000 milliards de dollars. Ayant pris le contrôle du Parti communiste chinois et de la République populaire de Chine en 2012-2013, Xi Jinping devra composer avec le remplacement de 5 des 7 principaux dirigeants du régime cet automne. Xi Jinping lui-même entretient un flou important quant à son orientation économique, ayant notamment retiré la prérogative de l’économie au plus libéral (et réformateur) Li Keqiang, Premier Ministre … et économiste. Le Président semble privilégier l’option du statu quo, afin de consolider son pouvoir -certains lui prêtant l’intention de postuler pour un 3e mandat en 2022 défiant la coutume et la constitution-, tout en ne réformant que le strict nécessaire pour maintenir de bonnes relations avec ses partenaires étrangers.

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