Les actions européennes appréciées par les gestionnaires flexibles

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Les gestionnaires restent confiants dans les perspectives des marchés boursiers pour les prochains trimestres. Il faudra surtout éviter la dette souveraine.

Les fonds mixtes flexibles constituent une des classes les plus appréciées des investisseurs. Les gestionnaires de ces produits ont en effet la capacité de modifier leur allocation entre les différentes classes d’actifs afin de limiter les pertes, que ce soit en diminuant fortement (ou totalement) leur exposition sur les marchés boursiers en cas de krach. Ces derniers temps, ils ont toutefois eu plutôt tendance à réduire la voilure sur les marchés obligataires suite à la remontée des taux. ” Les investisseurs ont beaucoup de mal à faire confiance aux actions car elles sont perçues comme étant volatiles, souligne Juan Nevado (gestionnaire du fonds M&G Dynamic Allocation). C’est vrai, mais il faut constater que les obligations l’ont été tout autant durant les six derniers mois “.

” La volatilité s’est clairement installée dans le camp obligataire, et je m’attends à une remontée des taux dans le courant de l’année, en particulier si Donald Trump ne met en oeuvre ne fût-ce que le tiers de son programme, indique Olivier de Berranger, gestionnaire du fonds Echiquier Arty. Les investisseurs ne sont plus rémunérés pour le risque pris dans ce segment du marché et nous n’avons d’ailleurs plus aucune dette souveraine dans le portefeuille depuis 2011. Nous allons aujourd’hui voir parmi nos concurrents quels fonds mixtes étaient des fonds souverains déguisés, et quels fonds sont en mesure de vraiment manoeuvrer au travers de conditions plus difficiles sur les marchés obligataires. ”

Croissance

Dans l’ensemble, les gestionnaires des grands fonds flexibles restent optimistes sur la croissance économique qui sera dégagée en 2017. ” Nous avons fait le constat depuis quelques mois que l’environnement économique est en train de s’améliorer et que nous ne sommes plus dans un scénario de stagnation séculaire, indique Juan Nevado. Nous sommes dès lors revenus massivement vers les marchés boursiers depuis le second trimestre 2016, d’autant que la prime de risque sur les actions reste à des niveaux anormalement élevés “.

Les actions européennes appréciées par les gestionnaires flexibles
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” Nous pensons que 2017 sera marqué par la stimulation de l’économie et par les tensions économiques, avec le resserrement de la politique monétaire américaine qui poussera le dollar à la hausse et provoquera des pics de volatilité, confirme Russ Koesterich, cogestionnaire du fonds BlackRock Global Allocation. Dans l’ensemble, nous pensons que les actions devraient réaliser une meilleure performance que les obligations car le marché des emprunts d’Etat n’offre que peu de perspectives”.

Assouplissement

Les gestionnaires posent également un constat d’échec sur les différentes mesures d’assouplissement quantitatif menées par les banques centrales ces dernières années, qui ont fait plonger les taux souverains vers des niveaux jamais observés, même durant la grande récession des années 1930. ” Cette politique a compliqué le retour de la croissance en empêchant les banques de faire des bénéfices et de jouer leur rôle moteur dans l’économie, constate Juan Nevado. L’accent mis désormais sur la politique fiscale est une bonne chose, et devrait jouer en faveur des marchés boursiers au détriment des obligations. ”

Pour autant, Olivier de Berranger estime que cette normalisation va encore prendre du temps en Europe : ” Le processus sera plus lent et plus long qu’aux Etats-Unis. Je m’attends à ce que la BCE ralentisse encore son rythme d’achat en 2018, mais il faudra encore attendre un moment avant d’assister à une hausse du taux directeur européen. Il sera dès lors peu probable d’assister à un krach obligataire en 2017. ”

“Trumponomics”

Outre les perspectives décevantes sur les obligations souveraines, c’est le marché boursier américain qui occupe une grande partie de l’agenda des gestionnaires. Tant chez BlackRock que chez M&G, les actions américaines sont sous-pondérées en raison des incertitudes politiques et économiques. Les gestionnaires soulignent qu’il faudra plus de granularité pour investir sur ce pays par rapport aux six dernières années. Tant Juan Nevado que Russ Koesterich indiquent toutefois apprécier les perspectives s’offrant à quelques secteurs, comme les valeurs financières ou l’énergie.

” Sur le marché américain, nous sommes positionnés à la baisse, mais nous apprécions quelques secteurs valorisés de manière attractive et qui devraient bien se comporter dans les circonstances actuelles, comme les pétrolières, la finance, la technologie ou la biotech, souligne Juan Nevado. Nous pensons que les actions cycliques devraient continuer à battre les valeurs de croissance durant les prochains mois. C’est là qu’il faut être à l’heure actuelle. ”

Valorisations

” Plus que les petites et moyennes capitalisations, nous préférons nous positionner sur les actions cycliques, qui devraient mieux se comporter dans un scénario d’accélération de la croissance aux Etats-Unis, confirme Russ Koesterich. Le rally enregistré par les petites et moyennes capitalisations américaines a été quelque peu exagéré. Nous ne pensons pas que ces valeurs seront les principales bénéficiaires de la politique de Donald Trump car elles seront davantage impactées par la hausse des taux que par celle du dollar. Il faudra rester très attentifs afin de déceler si la croissance des taux obligataires ne commence pas à affecter la croissance économique, mais nous restons à ce sujet encore assez optimistes. Le marché devra également s’adapter au nouveau style de communication de l’équipe dirigeante. ”

Dans l’ensemble, les fonds mixtes flexibles sont aujourd’hui surpondérés sur les actions japonaises (les valeurs industrielles notamment) et les actions européennes, en raison de valorisations qui semblent aujourd’hui plus attractives. ” Notre exposition sur les actions européennes est beaucoup plus diversifiée que sur le marché américain “, souligne Juan Nevado.

Chez BlackRock, Russ Koesterich estime que les résultats des sociétés européennes devraient dépasser les attentes grâce à une meilleure croissance, une création de crédits plus dynamique et des marges qui ont encore un beau potentiel de récupération.

Elections

Chez Echiquier Arty, Olivier de Berranger apprécie également les perspectives du secteur bancaire. ” Ces dernières semaines, nous avons réduit notre exposition sur la dette pour revenir davantage vers les actions. Ce secteur fait aujourd’hui l’objet d’une dynamique favorable avec une activité de transformation des dépôts qui devrait être un peu moins sous pression avec le retour d’une courbe des taux plus normal. Nous apprécions à ce titre des grandes banques à réseaux comme BBVA, Société Générale, Santander ou Unicredit. ”

Et les marchés émergents ?

Pour les fonds globaux, les marchés émergents constituent une source de diversification qui reste attrayante, tant pour les actions que pour les obligations. Au niveau des marchés boursiers, Russ Koesterich (BlackRock) souligne par exemple apprécier “les actions asiatiques, et plus particulièrement l’Inde. La valorisation reste raisonnable, avec des perspectives macroéconomiques en amélioration. En outre, c’est une économie essentiellement domestique qui est moins liée à l’évolution de la croissance globale, ce qui permet également une diversification par rapport aux autres pays émergents”. Juan Ne-vado (M&G) apprécie pour sa part des marchés comme la Corée du Sud ou Taïwan, qui seront parmi les principaux bénéficiaires d’un redressement économique global. Mais c’est sur la Russie qu’il se montre le plus éloquent : “C’est une diversification significative, car les quotas mis en place par l’Opep seront favorables pour la situation du pays. Nous nous attendons à ce que la demande de pétrole se redresse rapidement dans la foulée du meilleur climat économique. Enfin, la situation domestique s’améliore, avec des taux qui baissent et des valorisations qui restent très faibles pour les actions. C’est une combinaison de rêve pour un investisseur, d’autant que le pays permet également de s’exposer sur un redressement éventuel des cours pour les matières premières”.

Les deux gestionnaires se montrent par contre très prudents sur les actions chinoises, Russ Koesterich s’attendant à un ralentissement de la croissance : “Ce sera la principale raison pour laquelle la croissance globale ne grimpera pas plus rapidement. En outre, l’endettement reste un problème très important auquel les autorités n’ont pas encore apporté de solution”.

“Je reste sceptique sur la Chine, souligne pour sa part Juan Nevado. La dette continue d’augmenter avec des prix élevés sur le marché immobilier. L’allocation des ressources n’est pas bonne, ce qui entraîne une croissance de faible qualité. Ce marché est bon marché, mais pour de bonnes raisons”.

Et au niveau obligataire, c’est surtout la dette des pays d’Amérique latine qui fait l’objet d’une diversification significative tant chez BlackRock que chez M&G, notamment la dette souveraine brésilienne en raison de ses taux élevés avec une inflation qui est en train de ralentir (avec donc potentiellement des baisses du taux directeur de la banque centrale brésilienne). Russ Koesterich apprécie également la dette mexicaine, en estimant que la devise a incorporé beaucoup de mauvaises nouvelles ces derniers mois et se situe désormais dans une zone attractive.

Quant à la perspective de voir les marchés être ponctuellement bouleversés par l’agenda politique chargé durant les prochains mois, les gestionnaires estiment que ces inquiétudes doivent être relativisées. ” Nous n’accordons pas trop d’importance aux questions politiques. Une des leçons à tirer de 2016 est que les marchés ont très facilement passé outre les problèmes politiques à partir du moment où nous étions dans un contexte économique plus favorable “, souligne Juan Nevado. ” Dans l’ensemble, l’équipe autour du nouveau président américain est quand même très business friendly, ce qui devrait permettre d’avoir un premier semestre positif sur les marchés boursiers. Au-delà, cela reste une inconnue, mais 2016 a montré que les marchés s’étaient dégagés de l’emprise du politique. Nous avons dès lors un a priori raisonnablement positif sur les différentes classes d’actifs européennes “, souligne Olivier de Berranger.

Olivier de Berranger (Echiquier Arty)

“Nous restons neutres sur les marchés boursiers avec 27 % des actifs sous gestion, mais nous nous sommes positionnés sur les valeurs cycliques et value durant les derniers mois, avec par exemple des valeurs comme Hugo Boss, Swatch ou Bouygues. Dans le même temps, nous avons réduit notre exposition sur des secteurs comme les biens de consommation. Nous avons également une position de cash plus élevée que la normale (12%) afin de pouvoir profiter des opportunités d’investissement qui se présenteraient sur les émissions dans le haut rendement, un segment où le marché primaire a tourné au ralenti ces derniers mois.”

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