“Les investisseurs doivent revoir leurs prévisions à la baisse”

Suzanne Hutchins de la Bank of New York Mellon © .
Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Suzanne Hutchins de la Bank of New York Mellon a présenté sa stratégie d’investissement lors de l’Investment Summit de Morningstar et Trends. “Nous considérons que la grandeur des valorisations et les perspectives économiques ne sont pas vraiment encourageantes pour un important investissement en actions.”

Votre fonds consiste environ à hauteur de 45% en actions, mais plus de la moitié de cette position est couverte par des produits dérivés. L’exposition aux actions est quasi la plus faible depuis la création du fonds en 2004.

Suzanne Hutchins: “Nos clients ne veulent pas perdre de capital. Nous ne pouvons donc pas prendre trop de risques. Nous estimons les valorisations élevées et les perspectives économiques pas vraiment encourageantes pour un important investissement en actions. Quelles sont les principales forces motrices ? Il y a de puissantes tendances à long terme que la politique du président américain Donald Trump ne peut pas arrêter: une croissance en ralentissement, le vieillissement, le ralentissement de la croissance économique en Chine. L’accumulation de dettes dans le monde entier. La distorsion des prix des actifs du fait de la politique monétaire souple des banques centrales.

“En ce moment, on n’est pas récompensé si l’on prend trop de risque. Dans le passé, nous avons déjà investi jusqu’à 75% des moyens en actions, mais nous nous situons à 17% aujourd’hui, et c’est le niveau historiquement le plus bas. On doit payer beaucoup pour obtenir un petit peu de rendement supplémentaire. Nous préférons attendre une meilleure opportunité d’achat. Nous attendons le bon moment pour mettre le cash au travail. Nous approchons de la fin du business cycle américain. L’inflation commence à se répercuter dans les plus hauts salaires aux États-Unis. Cela mettra de la pression sur les bénéfices des entreprises. Les risques sont simplement plus grands que le potentiel de hausse.”

Vous dites que vous attendez pour mettre votre cash au travail, mais il n’y a pas particulièrement beaucoup de cash dans votre fonds

Suzanne Hutchins: “Les organismes de contrôle ne nous permettent pas d’inclure les obligations d’une durée inférieure à six mois dans le cash. Seuls 5% du portefeuille correspond à cette définition, mais la liquidité du portefeuille est énorme. Nous possédons énormément d’obligations d’État américaines à trois et cinq ans, que nous pouvons vendre très rapidement. Nous investissons à hauteur de 22% en obligations d’État américaine, et pour 7% en obligations d’État d’Australie et de Nouvelle-Zélande. C’est un choix tactique. Nous avons toutefois couvert la sensibilité aux taux du portefeuille par des dérivés. Mais si l’on compare les obligations d’État américaines aux européennes, sur lesquelles on perd de l’argent en tant qu’investisseur, ce faible rendement qu’offrent les obligations d’État américaines est alors encore attrayant. J’ai toujours un parti-pris pour le dollar américain, mais il y a déjà une bonne dose d’optimisme sur le marché. Comme, selon les prévisions, la Fed augmentera encore trois fois le taux d’intérêt cette année, le dollar a déjà considérablement augmenté.”

Quel est le scénario cauchemar, pour vous ?

Suzanne Hutchins: “Le scénario le plus pessimiste est la stagflation: une augmentation de l’inflation sans croissance économique. Les actions n’auront dans ce cas pas de bons rendements, parce que les bénéfices diminuent. Les obligations n’auront pas de bonnes performances, et même l’or n’aura pas de rendement. Le cash est alors la meilleure position à adopter. Mais en Europe, cela coûte bien sûr de l’argent de posséder du cash. Je pense en tous les cas que la probabilité est faible en 2017. Le risque existe toutefois pour 2018 et 2019, mais ce n’est pas notre scénario de base.”

Les investisseurs doivent-ils revoir leurs espérances de rendement à la baisse ?

Suzanne Hutchins: “Absolument. Observez le niveau de valorisation actuel. Le rapport cours/bénéfice de Case-Shiller pour le S&P500 américain montre que les investisseurs sont prêts à payer plus de 20 fois le bénéfice. Lorsque le ratio cours-bénéfice se trouvait à 10 dans le passé, l’indice boursier a obtenu un rendement moyen de 10% pendant les dix années qui ont suivi. Si le ratio cours/bénéfice se trouvait à 28, vous ne pourriez peut-être espérer que 1 à 2% chaque année. La population active se réduit et la productivité diminue. Ce n’est pas trop favorable pour les actions.

“Il y a aussi l’environnement des taux bas. Du fait de la politique des banques centrales et de toutes les dettes engagées, la demande future est avancée dans le temps. Nous en avons tous profité, mais cette consommation est révolue.”

Cela semble plutôt déprimant

Suzanne Hutchins: “C’est une image réaliste. Si vous avez entièrement investi, vous ne pouvez être que dépressif. Si vous avez beaucoup de liquidités à mettre au travail, ce sont alors des temps passionnants. Nous ne sommes par exemple pas obligés de générer chaque année un return positif. Mais avec notre fonds, nous l’avons jusqu’à présent toujours fait, même en 2008. Beaucoup d’opportunités vont émerger. Si vous pouvez garder patience, vous serez bel et bien chanceux.

“Nous observons par exemple les soins de santé, les infrastructures et les sociétés énergétiques, et nous attendons le moment où elles seront cotées moins cher. Dans le secteur technologique, nous avons un oeil sur les producteurs de voitures électriques et de batteries. Dès que les valorisations seront raisonnables, beaucoup d’opportunités se présenteront pour les investisseurs.

“Avec notre fonds, nous pouvons aller partout et nous naviguons ainsi au travers de ces circonstances pleines de défis. Il y a beaucoup de volatilité et d’incertitude. Un portefeuille diversifié au niveau du flux des revenus est dans ce cas un bien précieux à posséder.”

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