Pension complémentaire: la fin d’une discrimination pour les indépendants

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Les indépendants non adossés à une société avaient jusqu’ici moins de possibilités de compléter leur pension légale au sein du deuxième pilier que les dirigeants d’entreprise. Cela va changer cette année.

Les indépendants peuvent constituer une pension extralégale, destinée à venir compléter leur pension légale, au sein à la fois des deuxième et troisième piliers de pension. Le deuxième pilier est jusqu’à présent composé de la pension complémentaire libre pour indépendant (PCLI) et de l’assurance-groupe ou de l’engagement individuel de pension (EIP). Le troisième est celui de l’épargne-pension et de l’épargne à long terme fiscalement avantageuses, auxquelles tout un chacun – pas seulement les indépendants – peut souscrire. Quel que soit le pilier, les primes sont fiscalement déductibles.

Cela dit, les indépendants adossés à une société ne constituent actuellement pas leur pension complémentaire de la même manière que les autres. Les dirigeants d’entreprise peuvent agir dans un cadre qui implique trois parties : l’organisateur (la société dont ils sont dirigeants), un organisme de pension ou un assureur, et un bénéficiaire, c’est-à-dire le dirigeant lui-même. L’organisateur/la société s’engage à constituer au profit du dirigeant et/ou de ses ayants droit une pension complémentaire par le biais d’une assurance groupe ou d’un EIP. La société s’acquitte donc des primes, l’exécution de l’engagement étant confiée à un organisme de pension ou à un assureur. En revanche, l’indépendant non constitué en société doit conclure lui-même l’engagement de pension auprès d’un organisme ou d’une compagnie d’assurances. En d’autres termes, seuls les indépendants organisés en société peuvent souscrire à la fois à titre individuel (PCLI) et par l’intermédiaire de leur société (assurance-groupe ou EIP) ; ils ont donc davantage d’opportunités de compléter leur pension légale que les indépendants sans société, qui doivent se contenter de la PCLI.

Pension complémentaire: la fin d'une discrimination pour les indépendants
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Or, cette discrimination sera bientôt levée : le Conseil des ministres vient d’approuver un projet de loi en ce sens, de même que la création d’une ” convention de pension pour travailleur indépendant ” (CPTI), qui verra le jour cette année. Tous les indépendants non adossés à une société pourront donc y avoir recours en sus de la PCLI.

1. La pension complémentaire libre pour indépendant

La PCLI est un complément à la pension légale que peuvent constituer aussi bien les indépendants sans société que les dirigeants d’entreprise indépendants. Elle est très avantageuse sur le plan fiscal. ” Les revenus sur lesquels les cotisations de sécurité sociale sont calculées servent également de base au calcul des primes fiscalement déductibles, rappelle Jannick Beyens, expert en pensions complémentaires chez ADMB/Zenito. Plus précisément, les primes de la PCLI des indépendants établis sont toujours calculées sur le revenu professionnel net imposable (le revenu professionnel brut diminué des charges professionnelles réellement déductibles) de trois années auparavant. Les primes de la PCLI sont entièrement déductibles au titre de cotisations sociales, c’est-à-dire de charges professionnelles. Ce qui donne lieu à une économie d’impôt au taux marginal, soit 50 % à partir de 38.830 euros de revenu annuel (année de revenus 2017). ”

L’indépendant a le choix entre la PCLI ordinaire et la PCLI sociale. Dans le cas de la PCLI sociale, 10 % des primes versées sont utilisés pour financer des avantages complémentaires de nature sociale qui s’inscrivent en sus de la constitution de pension complémentaire. La teneur de ces prestations de solidarité varie d’un fournisseur à l’autre. La loi impose un certain nombre de stipulations, dont la poursuite du financement de la pension et le paiement d’un revenu de remplacement en cas d’incapacité de travail, d’une indemnité forfaitaire en cas de maladie grave, etc. L’adhésion au régime de solidarité ne peut être rendue dépendante des résultats d’un examen ou d’un questionnaire médical.

Les primes de la nouvelle convention de pension pour travailleur indépendant donneront droit à un avantage d’impôt de 30 %.

Dans le cas de la PCLI ordinaire, la prime déductible au titre de charge professionnelle peut aller jusqu’à 8,17 % du revenu imposable net, avec un maximum de 3.127,24 euros par an (année de revenus 2017). Pour la PCLI sociale, elle peut aller jusqu’à 9,40 %, mais pas au-delà de 3.598,05 euros. Le choix de la PCLI sociale est encouragé, puisque le montant des primes fiscalement déductibles est plus élevé de 15 % ; de ces 15 %, 10 au moins doivent être utilisés pour assurer les prestations de solidarité, ce qui signifie que la PCLI sociale permet une constitution de pension de 5 % plus élevée. Outre qu’elle est fiscalement plus avantageuse que la PCLI ordinaire, elle autorise donc à consacrer un montant plus important à la constitution de pension.

Les PCLI étant principalement proposées sous la forme de produits en branche 21, les primes bénéficient d’une garantie de capital à laquelle coïncide en principe un rendement fixe. ” L’organisme de pension ou l’assureur peut modifier unilatéralement, à la hausse comme à la baisse, le taux d’intérêt garanti, énonce Jannick Beyens. Mais uniquement pour les versements effectués à la date de la modification ou après. C’est la raison pour laquelle un contrat peut être affecté de plusieurs taux d’intérêt – une partie du capital peut par exemple faire l’objet d’un rendement de 1,50 % par an et une autre, de 2 %. ”

Il existe également des polices avec garantie à 0 %, dont le rendement n’est constitué que d’une participation bénéficiaire non garantie. La participation bénéficiaire non garantie s’applique aussi aux contrats en branche 21 assortis d’un rendement garanti ; son montant est calculé chaque année, en fonction de la conjoncture économique et des résultats financiers de l’organisme de pension.

2. L’assurance-groupe et l’engagement individuel de pension

Au sein du deuxième pilier, la pension légale peut également être complétée au moyen d’une assurance-groupe ou d’un engagement individuel de pension, mais uniquement au profit des indépendants qui exercent leur activité en société. C’est en effet la société qui s’acquitte des primes, et qui les déduit de son bénéfice imposable au titre de charges professionnelles – du moins, à condition que la règle dite des 80 % soit respectée. La règle des 80 % veut que la somme constituée du montant de la pension légale (premier pilier) et des capitaux de pension épargnés dans le deuxième pilier, convertie en rente, n’excède pas 80 % de la dernière rémunération annuelle brute normale du dirigeant d’entreprise.

Les versements dans l’assurance-groupe ou dans l’EIP sont soumis à une taxe de prime de 4,40 %. L’indépendant organisé en société peut souscrire au sein du deuxième pilier aussi bien une PCLI individuelle qu’une assurance-groupe/un EIP.

3. La convention de pension pour travailleur indépendant

Les indépendants non organisés en société auront donc sous peu la possibilité de compléter la pension complémentaire qu’ils constituent dans le deuxième pilier par une convention de pension pour travailleur indépendant, ce qui mettra fin à une discrimination. Les grands principes sont connus, la proposition a d’ores et déjà franchi le stade du Conseil des ministres, mais elle doit à présent suivre la voie législative. Son adoption est attendue cette année.

La CPTI peut être souscrite par les indépendants en personne physique, les conjoints aidants et les indépendants à titre complémentaire établis, dont les cotisations de sécurité sociale sont au moins aussi élevées que les cotisations minimum dues à titre principal. Les indépendants à titre complémentaire débutants dont les cotisations de sécurité sociale sont inférieures à ce minimum, mais qui s’acquittent volontairement d’un montant supérieur, ne devraient pas pouvoir souscrire de CPTI (pas plus d’ailleurs qu’ils ne peuvent souscrire la PCLI), à cause du caractère volontaire de la majoration.

” Le système de la CPTI est assez similaire à celui de l’EIP, compare Jannick Beyens. Les primes de la CPTI seront soumises à 3,55 % de cotisations Inami, ainsi qu’à une cotisation de solidarité qui ne pourra être supérieure à 2 %. Le capital-pension de la CPTI sera lui aussi grevé d’une taxe de 10 à 20 %, en fonction de la date de son paiement. ”

La CPTI donnera droit à une réduction d’impôt correspondant à 30 % des primes versées, aussi longtemps que la somme des pensions des premier et deuxième piliers (c’est-à-dire la pension légale, la pension issue de la PCLI et la nouvelle convention) n’excédera pas 80 % de la moyenne des rémunérations des trois dernières années d’activité. Pour l’EIP/l’assurance-groupe, le plafond reste actuellement fixé à 80 % de la dernière rémunération annuelle, mais l’idée d’une harmonisation à 80 % des trois derniers salaires annuels n’est pas à exclure.

Pour compléter, d’une manière fiscalement avantageuse, sa pension légale au sein du deuxième pilier, l’indépendant non constitué en société ajoutera donc une CPTI à sa PCLI (sociale), alors que l’indépendant organisé en société continuera à souscrire, lui aussi en sus de la PCLI (sociale), un EIP/une assurance groupe, à condition toutefois que la règle des 80 % soit respectée.

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