Pourquoi l’or séduit de nouveau

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“Les achats d’or des banques centrales sont au plus haut depuis 1967” : cette nouvelle a fait le tour du monde. Elle a également réveillé un marché assoupi depuis plusieurs années et ramené l’or sur les radars des stratégistes et investisseurs.

Selon le World Gold Council, la demande mondiale d’or a progressé de 4% en 2018 à 4.345 tonnes. Une évolution entièrement imputable aux banques centrales. Leurs achats ont bondi de 74% en 2018 à 652 tonnes, un record depuis la décision de Richard Nixon de mettre fin à la convertibilité du dollar en or en 1971. La parité était alors fixée à 35 dollars l’once.

Parmi les banques centrales ayant étoffé leurs réserves d’or l’année dernière, on retrouve la Chine, la Pologne, la Russie, la Turquie et le Kazakhstan.

Sur les marchés, cela ne s’est toutefois pas traduit par une hausse des cours. L’once d’or a de nouveau stagné en 2018 alors que la demande des investisseurs a faibli. Au total, l’offre de 4.490 tonnes est donc restée supérieure à la demande.

Les banques centrales, un piètre indicateur

Comme on peut le constater sur le graphique intitulé ” Evolution de la demande d’or depuis 2010 “, la demande des investisseurs constitue en fait le principal moteur des cours de l’or en raison de son importance et de sa forte volatilité. Depuis 2010, elle a varié entre un plus bas de 823 tonnes en 2013 et un plus haut de 1.695 tonnes en 2011.

Les achats des banques centrales sont beaucoup plus limités et ne semblent guère réellement influencer les cours de l’or. Le prix du métal jaune a ainsi triplé entre 2000 et début 2009 alors que les banques centrales avaient vendu 10,5% de leurs réserves d’or jusqu’à un plus bas de 29.921 tonnes, selon le World Gold Council. Depuis 10 ans, le cours a globalement progressé, mais avec une importante volatilité malgré les achats réguliers d’or par les banques centrales – surtout russe et chinoise – dont les réserves frôlent désormais les 34.000 tonnes.

Pourquoi l'or séduit de nouveau
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L’or profite de la baisse des taux

Petit à petit, les investisseurs semblent toutefois à nouveau apprécier l’or. ” L’incertitude économique, le ralentissement et le conflit commercial sino-américain ont favorisé l’afflux de capitaux “, observe ainsi Alistair Hewitt, responsable des études de marché pour le World Gold Council.

Pour Xavier Timmermans, stratégiste chez BNP Paribas Fortis, ” le comportement de l’or est assez remarquable ” dans un contexte de marchés très chahuté. ” Quand les marchés d’actions chutaient fin 2018, l’or a regagné son statut de valeur refuge. Et l’or a continué à progresser en janvier alors que les Bourses se sont redressées. ”

” Au moment où le président de la Réserve fédérale américaine (Fed) a déclaré que son institution se montrerait patiente par rapport à une éventuelle hausse future de taux et qu’elle serait flexible sur la gestion de son bilan, les marchés en ont conclu que c’était une très bonne nouvelle pour l’or. Cela veut dire que les taux d’intérêt réels, c’est- à-dire hors inflation, ne vont plus progresser et probablement même un peu baisser. ”

L’or contre l'(hyper)inflation

Des taux réels plus élevés sont en effet considérés comme négatifs pour l’or qui ne rapporte aucun revenu récurrent. En possédant de l’or, vous faites ainsi une croix sur l’intérêt que vous auriez pu recevoir. Traditionnellement, l’impact se situe au niveau du taux réel, car l’inflation est plutôt favorable à l’or. Il est considéré comme un bon moyen de se protéger de la perte de valeur de la monnaie.

Son cours a ainsi été multiplié par 24 entre la fin de la convertibilité en 1971 et début 1980, atteignant 850 dollars l’once. Sa folle ascension ne s’est arrêtée que quand le président de la Fed de l’époque, Paul Volcker, a hissé le taux directeur à 20% afin de mettre un terme à l’inflation galopante qui sévissait depuis le premier choc pétrolier de 1973.

L’or, valeur refuge

Actuellement, la menace inflationniste est limitée mais certains continuent de redouter un scénario catastrophe. ” Ne soyez pas si sûrs que l’hyperinflation ne peut pas atteindre les Etats-Unis “, titrait ainsi Noah Smith, éditorialiste pour Bloomberg, en début d’année. La principale inquiétude concerne une perte de la valeur du dollar sous l’effet d’une dette publique galopante. Aux Etats-Unis, elle vient d’atteindre 22.000 milliards de dollars. Donald Trump y a contribué mais Noah Smith s’inquiète surtout de la ” politique monétaire moderne ” soutenue par les démocrates américains les plus radicaux. L’objectif serait de faire financer des dépenses publiques récurrentes directement par la Fed en émettant des dollars.

Outre cette menace, l’intérêt des investisseurs pour l’or réside dans son rôle de valeur refuge. Un rôle que le métal jaune semblait avoir (partiellement) perdu, notamment au profit des cryptomonnaies. Mais que l’or a bel et bien récupéré au cours de la chute des marchés fin 2018. Le cours du bitcoin a poursuivi sa glissade alors que l’or a gagné 10% (en euros) entre septembre et décembre.

Pourquoi l'or séduit de nouveau

Les investisseurs passent à l’achat

Le métal jaune a poursuivi sa hausse ensuite grâce aux investisseurs. Les investissements dans les ETF sur l’or ( lire l’encadré ” Quel outil choisir pour investir dans l’or ? ” plus bas) ont représenté 70,6 tonnes en janvier selon Bloomberg, davantage que sur l’ensemble de 2018 (68,9 tonnes). Si cette tendance se confirme, elle ferait basculer le marché de l’or. L’excédent d’offre n’était en effet que de 145 tonnes en 2018 et l’offre connaît une évolution assez lente. La production minière n’a ainsi augmenté que de 1% ces deux dernières années.

Faut-il en conclure que c’est le moment d’acheter de l’or ? Dans tous les cas, la conjoncture apparaît actuellement plus favorable au métal jaune. Il est toutefois évident que l’or demeure un investissement à part. Il peut à la fois se montrer très stable comme ces dernières années ou extrêmement volatil comme autour des sommets de 1980 et 2011.

De 3% à 10% du portefeuille

L’or est ainsi surtout recommandé comme diversification, permettant en théorie de stabiliser le portefeuille lors des périodes plus chahutées sur les marchés. A l’automne dernier, Lisa Shalett, chief invest officer chez Morgan Stanley Wealth Management, conseillait aux investisseurs d’acter une partie de leurs bénéfices en actions pour investir de 3 à 5% de leur portefeuille en or. Ray Dalio, fondateur de Bridgewater Associates – plus gros hedge fund du monde -, recommande pour sa part d’y investir 5 à 10%. La part exacte dépend évidemment de votre profil et de votre appréciation.

Quel outil choisir pour investir dans l’or ?

L’or physique

L’achat de lingots ou de pièces d’or (Krugerrand, Eagle américain, Napoléon, etc.) est le moyen le plus direct d’investir dans le métal jaune. Les puristes continuent à privilégier ce type d’investissement. Vous ne dépendez en effet d’aucune contrepartie. Vous devez uniquement vous assurer de vous adresser à un intermédiaire de confiance pour l’achat : banques ayant pignon sur rue, bureaux de change (spécialisés) comme Gold & Forex International ou boutiques (en ligne) reconnues comme umicoregoldshop.be du recycleur belge Umicore. Dans tous les cas, vous devrez compter des frais et une prime (de plusieurs %) sur le cours officiel à l’achat comme à la revente. L’achat d’or physique est donc destiné pour un investissement à très long terme et comme protection extrême. Car vous devrez également consentir des frais pour conserver votre placement à l’abri (comme un coffre à la banque), y compris en le déclarant à la compagnie d’assurances si vous le conservez chez vous. Certaines banques, dont BNP Paribas Fortis, proposent de conserver votre or physique sur un compte-titres moyennant le paiement de droits de garde (0,20% par an).

Les “trackers” ou ETF

Un tracker ou ETF sur l’or est une sorte de fonds d’investissement ayant uniquement misé sur le métal jaune. Ils sont faciles à traiter, s’échangeant pour la plupart en Bourse comme une action, et offrent généralement une structure de frais assez légère. On en distingue de deux types, les synthétiques et les physiques. Les premiers sont peu indiqués pour un placement en or destiné à jouer le rôle de valeur refuge, notamment en cas de crise financière. Les trackers synthétiques n’investissent en effet pas directement dans le sous-jacent, soit l’or dans ce cas, mais dans un produit dérivé qui fait intervenir une tierce partie (comme une banque d’investissement). Cela ajoute un risque de contrepartie, laquelle avait fait scandale lors de la chute de Lehman Brothers car la banque servait de contrepartie pour de nombreux produits financiers. Un tracker physique investit par contre directement dans de l’or conservé dans des coffres.

Le plus important est le SPDR Gold Shares, coté en Bourse de New York depuis 2004 sous le code Isin US78463V1070, avec 790 tonnes d’or. Les frais annuels s’élèvent à 0,40%. Sur Euronext Paris, le Gold Bullion Securities est proposé par le spécialiste des trackers WisdomTree. Il est coté en euros sous le code Isin GB00B00FHZ82 et a l’avantage d’être d’ores et déjà approuvé pour la Belgique dans le cadre de la nouvelle réglementation. Les frais sont de 0,4% par an.

Les mines d’or

Les plus importants groupes miniers spécialisés dans l’or sont cotés en Bourse comme les canadiens Goldcorp et Barrick Gold ou l’américain Newmont Mining. Ils profitent évidemment de la hausse du cours du métal jaune. Les mines aurifères ne peuvent toutefois être considérées comme des valeurs refuge. En période de krach boursier, elles sont également sujettes à d’importants dégagements. Newmont Mining avait par exemple perdu plus de la moitié de sa valeur à l’automne 2008. Par ailleurs, le prix de l’or n’est pas le seul élément influençant leurs résultats. Il est également nécessaire de tenir compte des coûts. Chez Barrick Gold, le coût en cash (hors investissements) était de 588 dollars en 2018, plus du double de 2007 (265 dollars). Un investissement en mines d’or est davantage comparable à un placement en actions qu’à une réelle voie de diversification.

Les produits dérivés

Des produits comme des warrants, options ou futures permettent de miser sur une hausse (ou même une baisse) du prix de l’or avec un effet de levier. C’est-à-dire que le cours de votre placement évoluera x fois plus vite que le cours de l’or. Il s’agit toutefois de produits spéculatifs réservés à des investisseurs avertis et nullement destinés à jouer un rôle de valeur refuge.

1.329 dollars

Le prix de l’once de métal jaune au 25 février 2019.

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