Nouveau droit successoral: se marier ou cohabiter, cherchez les différences

© GET
Melanie De Vrieze Freelance

On se marie encore par amour. Mais un mariage présente aussi des avantages financiers, surtout en matière d’héritage et de donation. Le nouveau droit successoral offre davantage de liberté pour laisser la totalité de l’héritage au partenaire survivant.

Il existe des différences majeures entre les droits des couples mariés et ceux des cohabitants légaux ou des cohabitants de fait, surtout en matière de donation.

Révocables ou non

Les couples mariés et cohabitants peuvent, de leur vivant, faire des donations de biens meubles et immeubles, tels que de l’argent, des oeuvres d’art, des titres, une maison ou un appartement. Une donation entre époux est toujours révocable. Le donateur peut en effet l’annuler à tout moment sans justification : il révoque ce qu’il veut, quand il veut. Un époux peut donner à l’autre autant qu’il le souhaite par le biais d’une donation ou d’un testament. Les droits de donation sont généralement inférieurs aux droits de succession.

“Cette règle ne s’applique pas aux cohabitants légaux ni aux cohabitants de fait”, explique Hélène Casman, spécialiste des successions chez Greenille by Laga. “Les donations faites par un cohabitant à l’autre sont irrévocables. Il en va de même des donations aux enfants, à d’autres membres de la famille, à un ami ou à une association caritative.”

Héritage automatique ou non

En matière de succession, il existe également des différences entre les époux et les cohabitants. Dans le cas des cohabitants légaux, le partenaire survivant n’hérite en principe que de l’usufruit de la maison familiale, y compris le mobilier. S’ils veulent léguer davantage à leur partenaire, ils doivent rédiger un testament. Dans le cas des cohabitants de fait, le partenaire survivant n’héritera de rien, à moins qu’il n’y ait un testament.

Les époux héritent automatiquement l’un de l’autre. En principe, le conjoint survivant hérite de l’usufruit de tous les biens. S’il n’y a pas d’enfants, la veuve ou le veuf hérite même de la pleine propriété de tout ce que le couple possédait ensemble. S’ils étaient mariés sous le régime de la communauté de biens, l’époux survivant hérite de tout ce qu’ils possédaient en commun.

S’il n’y a que des parents éloignés, l’époux survivant hérite de la totalité de la succession

Si un couple sans enfant est marié sous le régime de la séparation de biens, le partenaire survivant hérite de tout ce qu’ils ont acheté ensemble, ainsi que de l’usufruit sur les biens propres du défunt. “S’il n’y a que des parents éloignés, l’époux survivant hérite de la totalité de la succession”, explique Hélène Casman. “Ces règles sont en grande partie des nouveautés. Il s’agit d’une extension du droit successoral légal du conjoint survivant. En raison de ces nouvelles règles, il est moins important dans certains cas d’établir un testament.

Dans un testament, il n’est plus nécessaire d’accorder plus d’usufruit que la loi ne le prévoit, car la règle donne au survivant l’usufruit de tous les biens laissés. Si l’un des conjoints veut léguer des biens en pleine propriété à l’autre, c’est possible. “Mais cela ne doit pas se faire au détriment des enfants, qui ont toujours droit à leur part réservataire”, poursuit Hélène Casman. “Depuis le 1er septembre, cette réserve représente la moitié du patrimoine du défunt, pour l’ensemble des enfants qui se la répartissent entre eux de manière égale.”

Une quotité disponible plus large

Pour les couples mariés également, la quotité disponible est élargie dans le nouveau droit successoral. Jusqu’au 1er septembre, celle-ci dépendait du nombre d’enfants qu’avait le défunt. La nouvelle loi prévoit d’accorder la moitié de la succession à une autre personne, par exemple au partenaire.

Mais Hélène Casman estime que le droit successoral ne profite pas toujours au conjoint survivant. “Dans la recherche d’un bon équilibre entre les droits des enfants et ceux du conjoint survivant, la balance du nouveau droit successoral ne penche pas toujours en faveur du conjoint. Ce dernier ne peut par exemple faire valoir aucun droit sur des donations qui ont eu lieu avant son mariage avec le donateur. Les enfants peuvent par contre revendiquer des droits sur les donations faites à d’autres enfants avant leur naissance.”

Prenons un exemple. Après son divorce, un homme fait donation de sa maison hors héritage à son fils unique tout en conservant l’usufruit. Plus tard, il se remarie et a une fille. Il décède alors que celle-ci n’a que deux ans. La maison vaut alors 500.000 euros, mais il l’a déjà donnée à son fils aîné. Ce dernier avait toujours pensé que son père lui léguerait une grosse fortune, mais il s’avère que ce n’est pas le cas. Celui-ci a fait de mauvaises affaires et des investissements malheureux, tout en dépensant trop d’argent. À sa mort, il ne lui reste plus que 100.000 euros sur son compte bancaire.

Les enfants ont droit ensemble à la moitié de la totalité de son patrimoine, soit la moitié de 600.000 euros (la maison plus l’argent). La part réservataire s’élève donc à 300.000 euros. Chaque enfant doit recevoir 150.000 euros minimum. La fille reçoit les 100.000 euros restants, plus 50.000 euros que son demi-frère doit lui verser. La veuve reçoit l’usufruit sur ces 100.000 euros. Elle ne reçoit pas d’usufruit sur la maison, car son époux en avait fait donation à son fils avant leur mariage.

Depuis le 1er septembre, il est également possible de passer des accords sur un héritage qui n’est pas encore ouvert

Pacte successoral

Depuis le 1er septembre, il est également possible de passer des accords sur un héritage qui n’est pas encore ouvert. “Le pacte successoral s’applique non seulement aux époux, mais aussi à leurs enfants”, précise Hélène Casman. “Il concerne principalement des donations aux enfants.” En outre, il existe des pactes successoraux ponctuels permettant à un futur héritier de renoncer à certains droits, tels que le droit de contester une donation ou de réclamer un usufruit.

“Un pacte successoral ponctuel peut également être inséré dans un contrat de mariage. C’est ce qu’on appelle la clause Valkeniers”, explique Hélène Casman. “Les époux décident ainsi des formalités au décès de l’un ou de l’autre. Un tel pacte n’est autorisé que s’il y a des enfants issus d’une relation précédente.”

Hélène Casman donne l’exemple d’une femme qui a trois enfants d’une première union. Elle se remarie et son époux emménage dans sa maison. Les conjoints conviennent qu’au décès de la femme, l’homme n’aura aucun droit sur sa succession, pas même sur l’usufruit de la maison. Dans le contrat de mariage, il peut renoncer à l’usufruit sur tout ce qui appartient à son épouse. Il conserve néanmoins le droit d’habiter dans la maison pendant un certain temps, après le décès de celle-ci.

Les conjoints fixent la durée de ce droit d’habitation. Si le contrat de mariage ne prévoit pas de période minimale, l’homme doit pouvoir rester dans la maison durant six mois et ce n’est qu’au-delà de cette période que les enfants peuvent le contraindre de quitter les lieux.

Traduction : virginie·dupont·sprl

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content